01 décembre 2017

Finances publiques : quel avenir pour l’assurance-maladie ?



Le 29 novembre 2017, la Cour des comptes a publié un rapport sur l’avenir de l’assurance maladie. Si les performances du système de santé français sont honorables, celles-ci ne sont acquises qu’au prix de dépenses très élevées. En France, la dépense courante de santé atteint 11% du PIB, elle se situe ainsi en quatrième position des pays de l’OCDE en matière de dépenses de santé, derrière les Etats-Unis, la Suisse et l’Allemagne.

De plus, la situation des comptes publics de l’assurance maladie demeure préoccupante. Les dépenses de santé vont connaître une augmentation importante dans les prochaines années, du fait du vieillissement de la population et du renchérissement des traitements. La Cour des comptes alerte ainsi sur la capacité de notre système de santé à maintenir, à terme, la qualité des soins.

Quel avenir pour la situation financière de la branche maladie ? Comment assurer la pérennité du système ? Décryptage.

Une situation financière qui s’améliore mais qui demeure préoccupante

La Cour a analysé les principaux facteurs d’évolution des soldes de la sécurité sociale depuis les années 2000, en dissociant les facteurs conjoncturels des facteurs structurels. Elle révèle que l’essentiel du déficit accumulé par la branche maladie ne s’explique pas par des variations conjoncturelles. La dégradation du solde financier est due à une augmentation importante des dépenses par rapport aux recettes. Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est régulièrement (et largement) supérieur à la croissance potentielle des recettes. Entre 2000 et 2016, le cumul des efforts structurels en dépenses est négatif, et atteint  -21 millions d’euros.

Entre 2005 et 2016, l’amélioration des soldes financiers s’explique donc par une hausse des recettes. La nette amélioration du solde de la branche maladie depuis 2014 découle en grande partie des transferts de recettes des autres branches - à hauteur de 2,2 millions d’euros - vers cette dernière. La Cour estime ainsi que la situation de la branche maladie demeure préoccupante, malgré les prévisions du PLFSS, qui prévoit de ramener le déficit de - 4,1 milliards d’euros en 2017 à 0,8 milliard en 2018.

L’évolution structurelle des dépenses de santé menace l’équilibre du système à long terme

Les dépenses de santé vont fortement augmenter à moyen terme. Et ce, en raison de plusieurs facteurs.

  • L’augmentation du coût des maladies chroniques, qui touchent près de 15 millions de Français d'après le Ministère de la santé. Ce coût est considérable : pour les seules affections longue durée (ALD), il s'élevait à 94,2 Md€ en 2014, soit 61,6 % du total des remboursements de l’assurance maladie ;
  • Le vieillissement de la population.La proportion des plus de 65 ans va passer de 17 % à 26 % entre 2010 et 2050, celle des plus de 80 ans devrait passer dans le même temps de 5 % à 11 %. Ces populations sont les plus sujettes à des ennuis de santé, ce qui augmente obligatoirement les dépenses de l’assurance maladie ;
  • La hausse du coût des médicaments et des nouvelles technologies médicales. Par exemple, les dépenses d’investissement et de fonctionnement, qui représentaient plus de 5 Md€ en 2015 dans les hôpitaux et cliniques, devraient ainsi enregistrer une forte croissance.

Il faut donc prévoir un net accroissement des dépenses de santé dans les 20 à 30 prochaines années. En 2013, l’OCDE a estimé que les dépenses de santé en France pourraient augmenter de 2,8 points de PIB d’ici 2060. Si des mesures de réduction de dépense ne sont pas mises en oeuvre, celles-ci pourraient s'accroître de plus de 7 points de PIB.

Des dispositifs de régulation de la dépense insuffisamment contraignants

Au cours des 17 dernières années l’assurance maladie n’a jamais connus de résultat équilibré. Le système de régulation des dépenses de l’assurance maladie repose sur l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM). Or, il s’agit d’une norme de dépense essentiellement indicative : l’objectif n’a pas été tenu entre 1996 - sa date de création - et 2009. Il a en revanche été respecté ensuite, chaque année depuis 2010, et son taux d’évolution a baissé jusqu’à 1,8 % en 2016. Mais la Cour estime que des prévisions trop accommodantes et des biais de construction ont été de nature à faciliter la tenue de l’objectif.

De plus, elle souligne que la régulation a essentiellement été opérée par les prix. Dès lors, cela a conduit à des pressions fortes sur les tarifs et les rémunérations, et à un rattrapage par les volumes : le nombre de séjour à l'hôpital a ainsi augmenté de 13,8 % entre 2010 et 2016, alors que la population n’a augmenté que de 2,8 %.

Afin de réguler la dépense de façon plus efficace, la Cour formule les propositions suivantes :

  • introduire une règle d’équilibre de l’assurance maladie dans le cadre organique qui régit les lois de financement de la sécurité sociale ;
  • améliorer le pilotage de la dépense en déclinant l’ONDAM au niveau régional (avec un format pluriannuel) et identifier au sein de l’ONDAM un sous objectif dédié à la prévention.

D’autres pistes de réformes portant sur l’organisation structurelle de l’offre de soins sont également développées par la Cour, afin d’assurer la pérennité de notre modèle de santé.



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