02 juillet 2018

“Situation et perspectives des finances publiques” : aucun relâchement n'est permis !



Tandis qu’en 2017, le rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques dénonçait “l’insincérité” du budget dressé par l’exécutif précédent, c’est un rapport plus nuancé mais non moins critique qui a été rendu public à la fin du mois de juin, plus d’un an après l’élection d’Emmanuel Macron.

Quels sont ainsi les principaux enseignements du rapport annuel de la Cour des comptes ?

Une amélioration des finances publiques en 2017 à relativiser

Si le retour du déficit sous les 3 points de PIB est une réalité - passant de 3,4 points en 2016 à 2,6 points en 2017 -, la Cour fait néanmoins le constat d’une sous-estimation tant des dépenses que des recettes des administrations publiques. La dépense publique s’est ainsi avérée “en augmentation sensible par rapport au rythme moyen de ces dernières années”, à +1,5 % en 2017 contre +1,1 % en moyenne entre 2012 et 2016.

La sortie de la France de neuf ans de procédure de déficit excessif permise par la baisse du déficit ne doit en rien cacher :

Dix ans après la crise : des finances publiques dégradées

La baisse du déficit public à un niveau jamais atteint depuis 2007 a donné l’occasion à la Cour d'analyser “l’évolution des finances publiques au cours des 10 dernières années”.

Quelles en sont les conclusions ?

  • Une augmentation de trois points des prélèvements obligatoires et des dépenses en France, contre 1,1 point pour les partenaires européens ;
  • Une hausse de la dette publique de 32,3 points en France, contre 25,6 points pour les partenaires européens.

Cette dégradation doit néanmoins être nuancée selon les sous-secteurs de la comptabilité nationale :

  • Les administrations de sécurité sociale (ASSO) ont vu leurs dépenses nettement augmenter de 2,4 points de PIB depuis 2007, connaissant ainsi la plus forte hausse de dépenses et bénéficiant de la plus forte hausse des recettes (+2,3 points) ;
  • Les administrations publiques locales (APUL) ont vu leurs dépenses diminuer depuis 2014. Or cette diminution des dépenses a davantage porté sur les dépenses d’investissement - en baisse de près de 0,5 point de PIB sur 10 ans - que sur les dépenses de fonctionnement - en hausse de 0,5 point de PIB sur la même période ;
  • L'administration publique centrale (l’Etat) a en réalité “supporté la plus grande part des effets sur ses recettes de l'affaiblissement de la croissance” suite à la crise, avec un solde dégradé de 0,5 point de PIB depuis 2007.

Des inquiétudes sur la suite du quinquennat

La Cour des comptes estime que les prévisions pour 2018 d’un déficit de 2,3 points de PIB sont “atteignables” mais manquent d’ambition tandis que la réduction du déficit effectif et structurel serait elle “très faible”. La prévision de recettes, quant à elle, “pourrait se révéler un peu élevée”, en raison notamment d’une prévision de croissance optimiste, à 2,0 % quand la dernière note de conjoncture de l’Insee évalue la croissance à 1,7 % pour 2018.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 est critiquée pour son manque d’ambition et ses nombreuses fragilités :

  • Cette loi de programmation ne répondrait pas aux enjeux de gouvernance dont le renforcement serait à même, selon la Cour, de “permettre un meilleur respect des objectifs” de redressement des finances publiques qu’elle se fixe. C’est pourquoi, elle recommande “l’extension du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à l’ensemble de la protection sociale et par la création de lois de financement des collectivités territoriales” ;
  • Quatre fragilités supplémentaires portent sur les hypothèses même d’une telle trajectoire :
  • L’hypothèse de croissance du gouvernement sur l’ensemble du quinquennat, supérieure à la croissance potentielle, est jugée en cela “optimiste” par la Cour ;
  • La trajectoire de prélèvements obligatoires n’intègre pas la suppression annoncée de la taxe d’habitation, ni la reprise de la dette de la SNCF, de potentielles futures dépenses de taille pour les finances publiques ;
  • La programmation implique une baisse - en volume - de la croissance des dépenses publiques entre 2020 et 2022, qui semble difficilement atteignable en l’état ;
  • L’objectif d’une baisse - en volume - des dépenses de l’Etat, prévue dès 2020, “apparaît exigeant”. La Cour recommande en cela de transférer vers l’Etat les excédents de la Sécurité sociale qui pourraient atteindre 0,5 point de PIB sur la durée du quinquennat.

Si la situation des finances publiques s’est récemment améliorée, en témoigne un moindre déficit public en 2017, la dégradation - structurelle - des finances publiques au cours des 10 dernières années implique d’affecter des moyens adaptés aux objectifs ambitieux de la loi de programmation des finances publiques. Les conclusions de ce rapport devront donc être confrontées à l’actualisation par le gouvernement de la trajectoire du programme de stabilité 2018, prévue pour début juillet.



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