Ce rapport insiste sur trois grands principes qui devraient présider à toute réflexion sur la fiscalité aujourd’hui : réaffirmer la nécessité d’une stabilité puis d'une réduction du niveau global des prélèvements obligatoires, diminuer la part des prélèvements qui pèsent sur les facteurs de production et enfin, réinscrire le débat sur la progressivité des prélèvements dans un débat plus large sur l’efficacité du système de redistribution français.

Trois enjeux au cœur de la réflexion sur la fiscalité aujourd’hui
La France a connu au cours des trois dernières années un choc fiscal de grande ampleur. En pourcentage du PIB, le taux de prélèvements obligatoires, qui s’élevait à 42,8 % en 2008, est ainsi passé de 42,5 % en 2010 à 45 % en 2012, et devrait s’établir à 46,3 % en 2013. Au total, entre 2011 et 2013, l'impact des hausses d'impôts pour les ménages et les entreprises devrait s’établir à plus de 70 Md€. Dépassant la Suède, l’Hexagone n’est désormais plus devancé en ce domaine que par le Danemark parmi les pays de l'OCDE.

Cette forte hausse des prélèvements obligatoires soulève trois questions, qu’il est indispensable d'inclure dans les débats du PLF 2014 :
• la capacité à utiliser le levier des prélèvements obligatoires pour réduire le déficit, dans un contexte de redressement budgétaire ;
• la conciliation des mesures de redressement budgétaire avec l’objectif parallèle de redressement de la compétitivité des entreprises, affiché par le gouvernement ;
• l’équité du système fiscal, à l’aune des efforts actuellement exigés des contribuables.

6 thématiques et 20 propositions pour "mettre enfin la fiscalité au service de la croissance"

Le rapport est structuré en six chapitres, chacun d’entre eux comportant une série de recommandations visant à concilier efficacité de l’impôt, équité fiscale et pérennité de notre croissance économique.

1. Impôt sur le revenu et CSG

L’impôt sur le revenu (IR), concentré sur les hauts revenus, et la CSG, impôt à fort rendement, méritent tous deux d’être repensés, mais pour des raisons différentes. C’est pourquoi les projets de leur fusion ne poursuivent pas nécessairement les mêmes objectifs : s’agit-il de créer un grand impôt sur le revenu, progressif et exempt de niches fiscales ou, au contraire, d’appliquer certaines caractéristiques de l’IR à la CSG (progressivité, "familialisation", niches) ? Outre la complexité de la mise en œuvre d’une telle fusion, ses conséquences pour les finances publiques nous semblent mal mesurées. En revanche, d’autres réformes sont possibles.

Proposition 1 : Aligner le taux de CSG sur les pensions de retraite et le taux de CSG applicable aux revenus d’activité
Proposition 2 : Mieux distinguer les modalités traditionnelles de calcul de l’impôt sur le revenu qui ne sont pas des "niches fiscales"
Proposition 3 : Eviter une imposition contre-productive sur les hauts revenus

2. Fiscalité de l’épargne

Aucun grand pays industrialisé au monde, ni aucun pays émergent, n’impose désormais les revenus du capital davantage que la France, hormis le taux d’imposition des dividendes en vigueur au Japon. Ceci s’explique par une fiscalité de l’épargne historiquement complexe, accentuéepar la loi de finances 2013. Cette fiscalité poursuit par ailleurs des objectifs contradictoires, toutes les catégories d’épargne bénéficiant d’un avantage fiscal, tandis que l’épargne des Français reste orientée vers des supports sans risque comme l’immobilier et la dette, au détriment de besoins collectifs de long terme. Il s’agit donc aujourd’hui de favoriser les supports d’épargne orientés vers le financement des secteurs et emplois bénéficiant à la croissance et à la collectivité.

Proposition 4 : Rétablir le principe d’une fiscalité spécifique sur les revenus du capital
Proposition 5 : Constituer et favoriser la commercialisation de produits d’épargne longue pour les ménages
Proposition 6 : Créer un support d’épargne pour financer les PME
Proposition 7 : Renforcer l’épargne salariale
Proposition 8 : Réduire corrélativement les avantages relatifs des autres supports d’épargne

3. Fiscalité des entrepreneurs

Malgré la révolte des "pigeons" suite au PLF 2013, le régime instauré par celui-ci reste très imparfait. Ainsi, si on a fait retour au système de taxation forfaitaire pour les personnes bénéficiant du régime des entrepreneurs, les conditions pour bénéficier du régime des entrepreneurs sont nombreuses et contraignantes. Par ailleurs, l’ISF constitue également un signal négatif adressé aux entrepreneurs et aux investisseurs alors que sa contribution aux recettes budgétaires et à la redistribution est très ténue. Simplifier la fiscalité de l’entrepreneur reste donc une tâche essentielle.

Proposition 9 : Sanctuariser les régimes favorables à l’entreprenariat
Proposition 10 : Rétablir une fiscalité simple et attractive des plus-values
Proposition 11 : Limiter les effets anti-économiques de l’ISF

4. Fiscalité et financement de la protection sociale

Davantage encore que son mode de financement, c’est le niveau de notre protection sociale, qui conditionne le poids des prélèvements qui y sont affectés, qui pose aujourd’hui problème. La fiscalisation progressive des ressources de la protection sociale, débutée depuis les années 1980, n’a que modérément réduit le poids des prélèvements assis sur les revenus d’activité. Ce poids – qui place la France aux premiers rangs de l’Union Européenne – met en péril la compétitivité de l’économie française.

Cette situation a conduit à envisager divers scénarios de basculement d’une partie des cotisations sociales sur une assiette alternative. L’analyse montre toutefois que la recherche d’une assiette "miracle" pour financer les dépenses sociales est vaine, tant que la dérive de ces dernières ne sera pas jugulée.

Proposition 12 : Réviser le périmètre de la protection sociale, préalable à toute réforme de la structure de financement de la sécurité sociale
Proposition 13 : Au-delà d’un niveau de solidarité à définir, transférer une partie des prestations vers la sphère privée, en renvoyant au libre choix des intéressés leurs arbitrages entre revenus directs et différés, consommation et épargne

5. Fiscalité locale

Indépendamment des conséquences des transferts de compétences, les collectivités territoriales se sont engagées depuis plusieurs décennies dans un accroissement constant de leurs dépenses. Ce chapitre revient en premier lieu sur les avancées de la dernière réforme de la fiscalité locale, tout en en soulignant les défauts.

Beaucoup reste à faire et il ne faudrait pas attendre des ajustements de recettes qu’ils viennent régler des questions relatives au niveau des dépenses. Dans ce contexte, la première question, fondamentale, devrait être celle de la nécessaire clarification des compétences des collectivités. Au-delà, le constat de la divergence entre le dynamisme de la dépense sociale et celui des ressources des départements ne peut rester sans réponse, et doit conduire à inverser la logique qui voulait jusqu’à présent que les secondes s’ajustent aux premières.

Proposition 14 : Taxe d’habitation : s'atteler à une révision des valeurs locatives (à rendement constant)
Proposition 15 : Revenir sur la clause générale de compétence des collectivités locales et interdire les financements croisés entre collectivités, afin d’instaurer un système fiscal plus transparent et plus responsable
Proposition 16 : Pour parer à la pression exercée par les dépenses sociales des départements, privilégier l’action sur la dépense en modulant ces dernières localement plutôt que recourir au levier des recettes par l’augmentation des taux ou l’instauration de nouveaux prélèvements

6. Fiscalité environnementale et compétitivité

De même que la fiscalité environnementale ne saurait se résumer à l’identification d’un "mal" environnemental servant d’assiette à un surcroît de fiscalité, le combat pour la compétitivité n’est pas davantage réductible aux seuls rééquilibrages macroéconomiques. La fiscalité environnementale ne vise pas le rendement, mais l’établissement d’une série d’incitations poursuivant des objectifs clairs en matière de modes de production et de consommation pour tenir compte de la rareté et de la fragilité des ressources naturelles. La réflexion sur la compétitivité ne se borne pas à recenser les déséquilibres dans les tableaux de financement des différents agents, mais appelle à une vision stratégique, à moyen ou long terme, des actions incitatives de long terme à mettre en place pour guider la France sur un sentier de développement durable.

Ce chapitre insiste sur la nécessité d’imbriquer les deux préoccupations, environnementale et compétitive, et précise les caractéristiques que doit adopter la fiscalité environnementale pour parvenir à cet objectif.

Proposition 17 : Envisager conjointement les préoccupations environnementales et compétitives, en évitant de décomposer les politiques publiques en deux "séquences cloisonnées", l’une portant sur la compétitivité, l’autre sur les (dés)incitations à visée environnementale
Proposition 18 : Instaurer une contribution "climat énergie" assortie d’un calendrier crédible pour la montée en puissance de son taux et confier la détermination de ce dernier à une commission indépendante
Proposition 19 : Proscrire toute exemption catégorielle ou sectorielle quant à l’assiette de ce prélèvement, et privilégier des mesures d’aides positives sur des consommations identifiées comme durables sur le plan de la compétitivité et de l’environnement. Ces mesures pourront prendre la forme de crédits d’impôt, financés par la restitution d’une partie des recettes liées à l’augmentation de la fiscalité environnementale

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