Alors que Bruxelles estime désormais le déficit de la France à 3,7 % du PIB en 2013 et 3,9 % en 2014, l’approfondissement des réformes visant à réduire la dépense publique s’impose. Des économies supplémentaires seront nécessaires pour que soit atteint l’objectif des 3 % en 2014.

Dans son rapport formulant 15 propositions pour 60 milliards d’économie, l’Institut Montaigne proposait que la réduction de la dépense publique s’appuie sur deux instruments : l’adoption de règles budgétaires contraignantes permettant de fixer des objectifs, de calibrer des mesures d’économies et de mesurer leur résultat, d’une part, et des plans d’action, identifiant un par un les dispositifs qui peuvent être réduits ou supprimés, d’autre part. Pour ce faire, une évaluation rigoureuse et transparente des politiques publiques est nécessaire.

La France accuse aujourd’hui un véritable retard dans le domaine de l’évaluation de l’action publique. Alors que le gouvernement a annoncé une évaluation systématique des politiques conduites dans le cadre de la Modernisation des Politiques Publiques (MAP), le Conseil d’analyse économique s’est saisi de la question. Il consacre ainsi sa première note à l’évaluation des politiques publiques, en présentant les conditions et le contexte nécessaires au développement d’une "bonne évaluation".

La nécessaire collaboration entre administration et experts

Pour le CAE, l’évaluation est un "exercice difficile techniquement et institutionnellement" et doit reposer à ce titre sur le tryptique "coordonnateur (Parlement, Cour des comptes, IGF, IGAS…) - expertise administrative - expertise technique". Soulignant la nécessité d’associer la compétence scientifique des experts aux démarches d’évaluation, les recommandations du Conseil d’analyse économique rejoignent les propositions de l’Institut Montaigne. Dans son rapport sur les dépenses publiques paru en décembre 2012, l’Institut mettait en avant le manque de professionnalisation et d’indépendance vis-à-vis de l’exécutif des évaluations menées en France et insistait sur la nécessité de les confier à des chercheurs formés à cet effet.

L’"accès complet et éclairé aux données" constitue également un enjeu clé de la collaboration entre acteurs institutionnels et experts pour le Conseil d’analyse économique. Il rappelle que "de nombreuses données restent inaccessibles, notamment celles de l’assurance maladie et les données fiscales". Garantir, par la loi, aux chercheurs qui n’appartiennent pas au secteur public un accès très large aux données pour les besoins des évaluations pourrait permettre, selon l’Institut Montaigne, de remédier à ces difficultés.

Les politiques de santé, un enjeu clé pour l’évaluation

Les recommandations du Conseil d’analyse économique s’appuient à plusieurs reprises sur les évaluations anglo-saxonnes des systèmes de santé, soulignant l’enjeu que représente une évaluation rigoureuse des politiques pour assurer leur efficacité. Le CAE met par exemple en lumière les pièges liés à l’évaluation de l’impact des dépenses de soin sur l’état de santé d’une population : le fait que les individus qui dépensent le plus sont généralement les moins bien portants, ainsi que l’interférence de facteurs extérieurs, compliquent l’identification d’une relation causale. L’évaluation rigoureuse de l’action publique en matière de santé est d’autant plus nécessaire que ces politiques représentent un enjeu majeur de la maîtrise des finances publiques.

Outil de pilotage pour les gestionnaires publics, l’évaluation du système de santé doit aussi répondre au besoin de transparence exprimé par les Français. Ainsi, lors de la conférence de citoyens sur le système de santé organisée par l'Institut Montaigne à l'automne 2012 [1], les 25 citoyens présents sont arrivés au constat qu’il existe une grande opacité et une certaine forme de confiscation de l’information sur la santé. L'information sur la qualité des soins et la mesure de cette dernière sont inexistants. Ils ont exprimé le besoin de "sortir de l’opacité pour mieux comprendre comment fonctionne le système de santé et quelles sont ses performances". Selon les citoyens participants, cette transparence doit s’appliquer à la fois au financement et aux coûts, individuels et collectifs et à la performance des établissements de santé et des médecins ainsi qu'à celle des complémentaires-santé.

La note du Conseil d’analyse économique pour "une évaluation crédible, sur laquelle le processus de décision pourra réellement s’appuyer en toute transparence" fait ainsi écho à une forte demande de la part des citoyens. Alors que le gouvernement est confronté à la nécessaire réduction de la dépense publique, le développement de l’évaluation doit permettre de fonder des arbitrages parfois difficiles sur des critères pertinents et objectifs.

Notes

[1] 25 citoyens venus de toute la France, représentant une grande diversité de profils et de catégories socio-professionnelles, ont participé à cette conférence. Après une formation déployée sur deux week-ends et une journée complète de débats avec des décideurs, le panel de citoyens a rédigé des propositions pour répondre aux questions initialement posées par l'Institut Montaigne : "Quel système de santé voulons-nous ? Comment devons-nous l’utiliser et le financer pour qu’il soit viable ?".